Refuge d'Arrémoulit - Oulettes de Gaube . D+ 1700m .
Aujourd'hui , 2 options pour rallier le refuge Wallon : soit passer par Larribet au nord , ou Respomoso au sud . C'est cette dernière option que j'ai choisi .
Direction donc le col d'Arrémoulit . Je contourne le massif du Balaitous par le sud , le premier sommet de plus de 3000m que l'on rencontre depuis l'atlantique .C'est grace
à la toponymie , c'est à dire l'étude des noms de lieux d'un territoire , que l'on comprend la signification de Balaitous : le Balaitous domine la vallée du mème nom ,
"bat laytouse" , la vallée dont l'herbe donne du bon lait . Surnommé le "Cervin des Pyrénées" par Russel , c'est l'anglais Charles Packe avec le guide Gaspard d'Arrens
qui croit ètre le premier au sommet en 1864 . Mais il a été précédé en fait par 2 officiers géodésiens Peytier et Hossard en 1826 , chargés d'établir la carte d'état major
au 1/80000 . En s'égarant dans le brouillard , ils sont d'abord les premiers a atteindre le sommet du Palas en 1825 . L'année suivante , ils campent au sommet du Balaitous .
10 jours à plus de 3000m , bloqués par le brouillard et le mauvais temps , la neige et le gel , ils s'en sortiront in-extrémis .
Col d'Arrémoulit , vue sur le pic d'Arriel
Après ètre passé près des lacs d'Arriel , je rejoint le refuge de Respomoso , un des plus grand des Pyrénées (160 places) . Mis en service en 1993 après 10 ans de
travaux , il sera sérieusement endommagé par une avalanche .
Grand beau aujourd'hui et l'itinéraire est superbe . Pourtant je ne me sens pas très en forme après une mauvaise nuit . En arrivant à Respomoso , je
pensait pouvoir reprendre un bon café : fermé de 9h à 11h pour cause de ménage ! Dommage , c'est reparti , direction le col de la Fache . Il est encore bien enneigé
en ce début d'été mais la trace est faite , donc pas de problème . A droite du col , la Grande Fache , seul 3000m du secteur ou a lieu tous les 5 aout une messe à la
mémoire des disparus en montagne . Pendant plusieurs années , ce pélérinage fut dirigé par un personnage haut en couleur , l'abbé Pragnères . Ce dernier n'était
pas que curé mais aussi braconnier à ses heures perdues ! Il fit aussi le récit de ses courses en montagne dans un ouvrage intitulé : "A la poursuite des Isards" .
La forme revient petit à petit . Après le col , je descend en trottinant le chemin qui rejoint les lacs de la Fache , puis le Pla de Loubosso ,et le pla de la Gole ou se
trouve le refuge Wallon .
Col de la Fache
En contrebas , les lacs de la Fache
Ici , de tous temps ont cohabités les troupeaux français et espagnols . Près de la Pierre de Loubosso , les représentants des vallées frontalières règlaient les litiges
qui pouvaient survenir entre français et espagnols .On appelait "Lies et Passeries" les conventions qui permettaient de fixer le bon usage des estives .Nous sommse
ici dans la vallée du Marcadau , dont le nom vient de"Marca" , qui veut dire marché en patois local . Lorsqu'ils se rencontraient dans cette vallée , les propriétaires
des troupeaux en profitait pour vendre ou acheter du bétail .
La pause déjeuner se fera aujourd'hui au refuge Wallon , appelé ainsi en hommage au célèbre cartographe à qui l'on doit la première carte en relief des Pyrénées .
Bien que découvrant tardivement les Pyrénées , vers la cinquantaine , il ne cessera de les arpenter et de les cartographier . Pour celà , il apprit les mathématiques
la trigonométrie et la topographie sur les cahiers de son fils , alors élève à St-Cyr .
Il fait un temps superbe aujourd'hui et je décide de continuer jusqu'au refuge des Oulettes de Gaube par le col d'Arratille et le col des Mulets .
Le lac d'Arratille
Le lac d'Arratille , encore un lieu paradisiaque ou il ferait bon bivouaquer . Mais j'ai des fourmis dans les jambes ! Je gagne le col d'Arratille ou le contraste est
saisissant entre le versant français verdoyant et le désert minéral espagnol . Entre le col d'Arratille et le col des Mulets , je fais une courte incursion en Aragon .
Puis c'est la longue descente vers le refuge des Oulettes de Gaube , superbe lieu de bivouac au pied de la face nord du Vignemale . Oulettes veut dire marmitte
en occitan . Ce nom vient du mot "Oule" qui en langage domestique , est un pot en terre , la marmite dans laquelle on cuit la soupe . Dans le cas présent , il s'agit
d'une marmite immense , le fond de la vallée en cirque de part et d'autre du Vignemale .
Au pied du couloir , le glacier des Oulettes est le plus bas des Pyrénées (du moins ce qu'il en reste !) . Le site très fréquenté est il est vrai superbe . Haut lieu du
pyrénéisme , le Vignemale fut escaladé pour la première fois par une femme : Lady Lister et une amie , accompagnée des guides Cazeaux et charles en 1838 .
Ils firent l'ascension par une voie classée aujourd'hui assez difficile en escaladant une cheminée située entre le pic de Cerbillona et le pic central . Le fameux
couloir de Gaube fut gravi pour la première fois par Henri Brulle , Bazillac , de Monts avec les guides Salles et Célestin Passet . Ce dernier est considéré comme
le plus grand des guides Pyrénéens . Durant l'ascension de ce couloir de glace , il tailla 1300 marches ! Quelques mots de cet illustre personnage :
"La difficulté ? Si on ne la cherche pas dans les Pyrénées , il n'y en a pas ; les pics ? on les fait les mains dans les poches . Maintenant si on veut la chercher , on la
trouve : je sais des courses que personne ne refera , elles sont bouclées et j'ai emporté la clé ..."
Pas mal de randonneurs ce soir qui comme moi ont choisi de bivouaquer . Le refuge des Oulettes de
Gaube est d'ailleurs fermé pour travaux . Je n'ai plus rien à manger , juste une soupe , il est temps
d'arriver à Gavarnie !